lundi 6 juin 2011

La nouvelle papesse de la désobéissance civile

Elle s’appelle Brigette DePape et elle a décidé lors de son service en qualité de page au Parlement fédéral canadien de « prendre action ».
En clair elle s’est affublée d’un signe de stationnement mentionnant « stop Harper » lors du discours du Trône. Elle a été immédiatement sortie de l’enceinte de la colline parlementaire et congédiée mais aucune charge n’a été retenue contre elle.
Dans un pays ou l’engagement politique n’est pas fréquent et surtout chez les jeunes, ce geste est à saluer. L’audace, aussi, de cette jeune fille qui, arborant un fier sourire sur les chaines de télévision, lançait son offre de candidature à tout employeur potentiel.
Il faut lui rendre justice : cette fille a un sacré culot et une bonne maîtrise de la communication.
Ceci dit je ne m’extasierai pas plus sur son action.
Cette jeune fille s’est autoproclamée représentante des valeurs canadiennes, des aspirations des jeunes et du peuple. Et parée de cette prétendue légitimité, elle choisit de s’opposer au gouvernement majoritaire fraîchement élu.
Qu’elle ne ressente pas de sympathie pour ce gouvernement est une chose, qu’elle appelle à la désobéissance civile en est une autre.
Je me méfie toujours de ces prédicateurs qui parlent en mon nom et emploient des procédés qui ne respectent pas le jeu démocratique.  Mais je dois dire que ce qui m’a vraiment exaspérée ce sont ses appels à une version canadienne du printemps arabe.
Du printemps arabe jeune fille? Vraiment? Alors j’imagine que vous étiez prête à affronter les geôles peuplées d’opposants politiques sans recours à un avocat et prête à subir la Question pour avoir ainsi osé braver le pouvoir en place?
Je ne me fais pas l’avocat du gouvernement Harper, rappelez vous je suis immigrante, je n’ai pas encore le droit de vote…Cependant ce qui me tient à cœur c’est la démocratie et sa fragilité inhérente à son existence nous impose de la défendre contre toute tentative de perversion de son système.
Que cette jeune fille soit en profond désaccord avec son gouvernement, qu’elle considère ne pas être représentée et avec elle bon nombre de jeunes de sa génération est une opinion qu’elle est légitimement en droit d’avoir, qu’elle ne respecte pas le jeu de la démocratie et du vote de la majorité en est une autre.
Si je conserve un goût certain pour la révolution (rappelez vous je suis française) je ne suis pas en faveur d’un renversement d’un système démocratique avec toutes ses faiblesses et défauts.
Et les appels à la désobéissance civile dans une démocratie ne sont rien de moins que des manifestations de politique totalitaires. Printemps arabe? Oseriez-vous comparer le Canada à la Syrie de Bachar El Assad qui a encore fait exécuter des dizaines de manifestants et qui paie des pauvres hères pour aller divertir l’opinion publique du côté de la frontière israélienne? Oseriez-vous comparer le Canada à la Lybie de Kadhafi qui fait tirer sur sa population? Enviez-vous les opposants iraniens qui se font pendre chaque jour sans qu’aucune manifestation ne soit organisée dans nos chères démocraties occidentales?
Si tel est le cas cette jeune fille malgré son charmant sourire est de la graine d’extrémiste susceptible de militer dans des mouvements prônant le totalitarisme dans sa forme.
Mais à bien y regarder de près, une autre pensée m’est venue à l’esprit : et si cette jeune fille était juste une experte en communication? Une brillante experte qui a tout compris à la politique? Car malheureusement aujourd’hui dans nos sociétés occidentales, les idées nouvelles se font rares, le renouveau (je parle ici d’un vrai renouveau) est quasi inexistant et seuls les partis révolutionnaires conservent cet attrait auprès des jeunes.
Mais s’ils conservent cet attrait, cela est du également à la forme empruntée par ces mouvements, cette fraîcheur comme peut l’incarner cette jeune Brigette, cette impression de changer le monde réellement; et pourquoi cela? Parce que les modes de communication empruntés sont plus attrayants.
Car finalement aujourd’hui, la politique est bien plus souvent une affaire de forme que de fond. Il suffit de constater que certains personnages politiques porteurs d’idéologies profondément extrémistes parviennent à séduire un électorat habituellement modéré; ou encore de s’apercevoir que certains élus reconnus pour leurs compétences professionnelles ne sont pas reconduits dans leur mandat au profit de candidats inexpérimentés. Le média s’accapare désormais une place de roi au détriment du contenu du message.
Que cette jeune fille n’ait pas respecté le jeu démocratique, qu’elle ait employé un procédé qui ne peut aboutir à faire valoir ses opinions importe peu. Ce qui compte c’est qu’elle a été entendue sur toutes les chaînes de télévision et que l’on parle d’elle dans tous les réseaux sociaux.



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